Dans le Haut-Karabakh, le 28 septembre 2020. Un soldat de l'armée arménienne tire vers les positions azéries. (Crédit : Handout/Armenian Defence ministry/AFP)

Pourquoi l’Azerbaïdjan considère « normal » le conflit dans le Haut-Karabakh contre l’Arménie

La région du Haut-Karabakh, dans le Caucase, est au centre de discordes entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan. Chacun réclame ce territoire, jusqu'à déclencher un conflit armé. Le résultat de plusieurs décennies d'adversité.

La région du Haut-Karabakh, dans le Caucase, est au centre de discordes entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Chacun réclame ce territoire, jusqu’à déclencher un conflit armé. Le résultat de plusieurs décennies d’adversité.

Le territoire du Haut-Karabakh – aussi appelé Nagorny Karabakh – au Moyen-Orient est, depuis dimanche 27 septembre 2020, au cœur d’un conflit territorial entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan. Les deux pays se disputent cette zone du Caucase située en altitude. « On commence à récupérer nos terres », revendique Gunel Safarova, docteure en Science du management et présidente de l’Association dialogue France-Azerbaïdjan, en charge des relations culturelles entre les deux pays. « Mais aujourd’hui, les actions traditionnelles de l’association passent au deuxième plan. On veut parler de la réalité des choses », affirme-t-elle.

Le Haut-Karabakh est un État non reconnu par la communauté internationale. Composée majoritairement d’Arméniens, cette région est régulièrement le théâtre de divergences entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

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L’Arménie ampute de 20 % le territoire azéri

Alors quelles sont les origines de ces tensions ? Elles remontent à plusieurs décennies. En 1921, la zone du Caucase est sous le giron de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) et Moscou associe le Haut-Karabakh à l’Azerbaïdjan. Mais depuis les années 1980, les revendications s’exacerbent. En février 1988, des manifestations éclatent à Erevan, la capitale arménienne, et ont pour revendication le rattachement du Haut-Karabakh à l’Arménie. Le 20 février de la même année, le Soviet suprême du Haut-Karabakh, président de la région, s’exprime en faveur du rattachement de la région à l’Arménie. Il proclame son indépendance en 1991.

1991 marque aussi la chute de l’URSS et le début de nouvelles hostilités entre les deux pays qui veulent asseoir leur autorité sur le Haut-Karabakh. L’Azerbaïdjan met fin au statut d’autonomie de la région, acquise depuis 1923. Dès lors, les conflits reprennent. Au total, l’Arménie ampute son voisin de 20 % de son territoire.

Pourtant, une médiation internationale tente d’émerger en 1992. Au travers du Groupe de Minsk, composé de la Russie, des États-Unis et de la France, ils signent, en 2008, un « règlement pacifique ». Dans les faits, aucun accord de paix n’a été trouvé. De même, l’Organisation des nations unies (ONU), par des résolutions réaffirme « l’inviolabilité des frontières internationales et l’inadmissibilité de l’emploi de la force aux fins d’acquisition de territoire », rappelle, en 1993, la résolution 822 de l’ONU.

Le président azéri avait menacé d’une « solution militaire » en juillet

« Les résolutions de l’ONU instaurent une application immédiate. Sauf que les cessez-le-feu et le retrait des troupes n’ont jamais été respectés. On entend toujours des tirs près de la frontière », explique Gunel Safarova, native du Haut-Karabakh et vivant aujourd’hui en France, comme environ 70 000 autres azéris, selon les données de l’Azerbaïdjan en 2018.

Or, depuis juillet dernier, le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, a menacé de quitter les pourparlers de paix, en soulignant la possibilité d’une « solution militaire au conflit ». Et depuis dimanche dernier, une guerre a éclaté. Les deux camps se rejettent la faute de qui a affligé les premières balles. Plus de 1 200 soldats azéris seraient morts selon le ministère de la Défense arménienne. Le Premier ministre arménien, Nikol Pashinyan, a indiqué dans un tweet (voir ci-dessous) que la Turquie entretenait de manière « active » des relations avec l’Azerbaïdjan, favorisant, de fait, les « hostilités ».

Traduction : « L’Azerbaïdjan, avec l’encouragement actif et le soutien politique et militaire de la Turquie, étend la géographie des hostilités au territoire arménien. L’Arménie et le Haut-Karabakh donneront une réponse militaro-politique aux tentatives de l’Azerbaïdjan de mettre à mal la sécurité et la paix. »

« Oui, la Turquie nous soutient moralement et alors ? Au bout de 30 ans d’occupation, on va libérer nos terres, poursuit Gunel Safarova. L’Azerbaïdjan utilise son droit de les récupérer, par la force. Cette guerre est normale. J’attends que justice soit faite. » Une justice que cette azérie juge à double vitesse car l’Arménie n’a jamais reconnu l’indépendance du Haut-Karabakh.

« Même s’il y a beaucoup d’Arméniens dans le Haut-Karabakh, il ne leur appartient pas »

Gunel Safarova, Azerbaïdjanaise vivant en France

À quand la fin du conflit ? « Nous avons une seule condition, le retrait total, inconditionnel et sans délai des forces armées de l’Arménie de notre terre, a pointé, mercredi 30 septembre 2020, le président azéri. Si le gouvernement de l’Arménie accepte cette condition, les combats s’arrêteront, le sang arrêtera de couler. » Pour l’heure, les deux pays ont déclaré la loi martiale et ont appelé à la mobilisation générale de la population.

Haut-Karabakh : réunion d'urgence mardi du Conseil de sécurité de l'ONU
Dans le Haut-Karabakh, le 27 septembre 2020. Les affrontements se font aussi par la destruction de tanks. Image diffusée par le ministère de la Défense arménien. (Crédit : AP)

Dans le cas où la zone serait conquise par l’Azerbaïdjan, Gunel Safarova, assure que les Arméniens pourront toujours rester sur place. « Même s’il y a beaucoup d’Arméniens dans le Haut-Karabakh, il ne leur appartient pas. Mais nous avons vécu ensemble et nous vivrons avec eux. J’ai toute ma famille là-bas, et depuis que je suis partie du pays, il m’est impossible de revenir sur les terres de mon enfance », conclut-elle.

Suite à une conversation téléphonique, jeudi 1er octobre 2020, le président français Emmanuel Macron et le président russe Vladimir Poutine ont appelé à un arrêt « complet » des combats.