Alors que le gouvernement rétablit les néonicotinoïdes pour préserver les betteraviers, des agriculteurs adoptent une pratique de préservation de la terre. Une alternative qui pourrait être source d’avenir.
Vous l’avez peut-être remarqué en longeant les bords de routes, depuis cet été, une partie des champs de betteraves se sont parés de jaune. La cause : le virus de la jaunisse. Provoquée par un puceron, la jaunisse infecte les betteraves et réduit, de fait, considérablement les rendements des agriculteurs- de 30 à 50 %. Mais la maladie ne touche pas toutes les exploitations. La méthode de la conservation des sols est une alternative que mettent en place des agriculteurs. Et ça marche !
Pourtant, face à la pression des betteraviers qui voient leurs productions de l’année s’amenuir, le gouvernement a décidé de réinstaurer les néonicotinoïdes. Ce produit chimique – utilisé par enrobage de semences – neutralise l’apparition de la jaunisse et vise au bon développement des betteraves. Supprimés par l’Union européenne (UE) en 2016, les États ont toutefois la possibilité d’autoriser le retour des néonicotinoïdes, seulement si aucune autre alternative n’est viable. Dans ce contexte, le député (LREM) Grégory Besson-Moreau, soutenu par Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, a souhaité que dans 8 % des cas, l’insecticide puisse être utilisé jusqu’en 2023.
Le secteur de la betterave emploie 46 000 personnes en France
La question des emplois est aussi cruciale. Et pour cause, le secteur de la betterave fait travailler plus de 46 000 personnes en France, des champs à l’usine de transformation. Avec la baisse de rendement, c’est autant de travailleurs qui peuvent perdre leurs emplois, ou du moins, voir diminuer leurs revenus. Les députés ont donc voté, mardi 6 octobre 2020, pour un sursis des néonicotinoïdes à 313 voix pour et 158 contre.
Une victoire de l’économie face à l’écologie ? C’est en tout cas ce que pensent les détracteurs du produit chimique qui affirment que les néonicotinoïdes sont nocifs pour les abeilles. En effet, jouant un effet d’attraction envers elles, des études ont prouvé qu’un milliardième de gramme de néonicotinoïde altérait les capacités de l’insecte à retrouver son chemin.
Mais une solution existe. À Paluel (Seine-Maritime), Emmanuel Bellest n’a pas encore commencé à ramasser ses betteraves, mais il en est sûr, sa récolte ne pourra pas être pire que celle de ses collègues. « Avant je labourais comme beaucoup d’autres agriculteurs, détaille-t-il au quotidien Paris-Normandie. Je me suis aperçu que je labourais de moins en moins profond, jusqu’à ce que la charrue n’aille plus retourner la terre. À ce moment-là, je me suis dit qu’il fallait que je trouve une autre méthode. »
« Mes cultures se nourrissent naturellement par le sol »
Emmanuel Bellest, agriculteur
Avec les équipes du Cerfrance, le centre de gestion et conseil en expertise dans le domaine agricole, Emmanuel Bellest a mis au point une technique : celle de la régénération des sols. Depuis, son exploitation est l’une des rares à encore se vêtir d’une couleur verte. « Mes cultures, aussi bien de betteraves que de lin, se nourrissent naturellement par le sol », explique l’agriculteur. En clair, les ressources naturelles présentes dans la terre se suffisent à elles-mêmes.
« Avec cette alternative, je constate une augmentation de mes rendements. Mais pour être sûr que la jaunisse n’attaque pas à nouveau, il faudrait que je reproduise cela sur plusieurs années. Je n’ai là qu’une piste », note Emmanuel Bellest qui compte poursuivre sa méthode de régénération des sols dans la mesure du possible… « Lors de la vente, les graines sont directement enrobées du produit. Donc rien ne dit que je pourrais continuer ma méthode. Mais si je peux éviter le produit lors de la vente, je le ferais », conclut-il.