L’hymne australien contesté : le mot de la discorde pour la réaffirmation des Aborigènes

L'hymne, l'un des symboles de l'Australie, voit son influence être contestée par la population locale. En cause ? Un terme qui relève la jeunesse de la nation. Selon les Aborigènes, c'est une partie de l'Histoire qui est effacée.

L’hymne, l’un des symboles de l’Australie, voit son influence être contestée par la population locale. En cause ? Un terme qui relève la jeunesse de la nation. Selon les Aborigènes, c’est une partie de l’Histoire qui est effacée.

L’Australie est-elle une jeune ou la plus ancienne nation au monde ? La question peut paraître anecdotique, mais elle est pourtant au cœur de nombreux débats dans ce pays de 25 mille âmes. Concrètement, les esprits s’échauffent autour de l’hymne national et plus particulièrement en raison… d’un mot : « young », « jeune » en Français.

« Australians all let us rejoice,
For we are young and free »

Extrait d’Advance Australia Fair. Traduction : « Australiens réjouissons nous tous, Car nous sommes jeunes et libres »

Depuis plusieurs décennies, le deuxième vers d’Advance Australia Fair est l’un des combats que mènent les populations aborigènes. Cette ethnie autochtone est la plus ancienne d’Australie et son apparition remonte à au moins 60 000 ans. Aujourd’hui, elle représente 3 % de la population, soit environ 700 000 habitants. Et pour elle, les terres de ses ancêtres ne sont pas « jeunes », bien au contraire. Ainsi, ce peuple requière que le terme mentionné dans l’hymne soit remplacé par « unis », comme le propose une élue locale.

L’hymne au cœur de débats depuis plusieurs années

« Il est important pour nous tous en tant qu’Australiens de nous rassembler et de sentir que l’hymne nous représente. Le changement de mot fera une différence, pointe Gladys Berejiklian, Première ministre de l’État de Nouvelle-Galles du Sud, le 11 novembre 2020. Il reconnaîtra le fait que notre continent a la plus ancienne culture de la planète, ce dont nous devrions tous être fiers et dont nous sommes fiers, et je pense que notre hymne devrait refléter cela. »

Outre cette revendication, ce n’est pas la première fois que le chant officiel du pays fait l’objet de controverses. En effet, rédigé en 1878 et devenu l’hymne de l’île en 1974, c’est alors l’hymne britannique God Save the Queen qui le détrône à partir de 1976. Réinstauré le 19 avril 1984, il change aussi de forme. Auparavant constituée de quatre strophes, la nouvelle version n’en compte plus que deux.

Paroles complètes de l’hymne australien : Advance Australia Fair

Le sénateur du Queensland Matt Canavan conteste pour sa part le fait que l’hymne efface l’Histoire de l’Australie et notamment celle des Aborigènes : « Nous sommes une jeune nation. Nous avons des civilisations anciennes et nous avons une Histoire riche qui s’étend sur des dizaines de milliers d’années. Mais nous sommes un pays jeune », explique-t-il au Guardian.

Une plus vaste campagne de réaffirmation des Aborigènes

Mais plus qu’une histoire de vocabulaire, c’est la légitimité des Aborigènes qui est ici réaffirmée. Et les joueurs de rugby se font entendre. Ou plutôt se taisent, comme le 4 novembre 2020 dans le stade d’Adélaïde. Ce jour-là, six rugbymen d’origine aborigène n’entonnent pas leur chant national, le jugeant révisionniste. Un épisode qui n’est pas isolé comme le rapporte The Sydney Morning Herald, qui rappelle que plusieurs joueurs aborigènes préfèreraient supprimer l’hymne pour qu’ils n’aient pas à le chanter lors des évènements sportifs.

La Première ministre de Nouvelle-Galles du Sud souhaite, elle, défendre cette communauté. Elle a par exemple « restitué » 15 000 hectares de terres au peuple autochtone au début du mois de décembre. Alors que les gestes se multiplient en faveur des Aborigènes, la reconnaissance nationale suivra-t-elle ?

Le 1er décembre 2020, Gladys Berejiklian a redonné 15 000 hectares de terres aux populations aborigènes.