Les ONG écologistes, nouvelle cible des gouvernements

" Je n'arrive pas à tuer ce cancer " déclarait Jair Bolsonaro le 3 septembre 2020 lors d'un direct sur sa page Facebook, pour désigner les ONG écologistes. Quelques mois après avoir qualifié l'ONG Greenpeace de "déchet", le Président brésilien réitère ses attaques et confirme sans surprise son statut anti-écologiste. A l'image de la situation au Brésil, mais également en Inde ou au Guatemala, les ONG environnementales voient leurs actions enrayées et leur existence menacée par des gouvernements opposés à leur lutte.

« Je n’arrive pas à tuer ce cancer » déclarait Jair Bolsonaro le 3 septembre 2020 lors d’un direct sur sa page Facebook, pour désigner les ONG écologistes. Quelques mois après avoir qualifié l’ONG Greenpeace de « déchet », le Président brésilien réitère ses attaques et confirme sans surprise son statut anti-écologiste. A l’image de la situation au Brésil, mais également en Inde ou au Guatemala, les ONG environnementales voient leurs actions enrayées et leur existence menacée par des gouvernements opposés à leur lutte.

Dans la dynamique anti-écologiste qu’il met en place depuis le debut de son mandat présidentiel, Jair Bolsonaro a fait des ONG son ennemi numéro 1. Alors que 60% de la forêt amazonienne se trouve sur le territoire brésilien, elle est régulièrement victime d’incendies. Face à cela, le président brésilien refuse d’agir. Pour autant, il utilise ces événements pour s’en prendre aux ONG qui défendent l’environnement. A l’été 2019, alors que les incendies ravagent l’Amazonie, Bolsonaro accuse à demi-mot les ONG d’en être responsables. Face aux journalistes, il déclare :

« Il pourrait s’agir, oui, il pourrait, mais je ne l’affirme pas, d’actions criminelles de ces ‘ONGéistes’ pour attirer l’attention contre ma personne, contre le gouvernement brésilien »

Selon Bolsonaro, les ONG, en manque d’argent, déclencheraient les incendies, dans le but d’attirer l’attention. Si les accusations ne sont pas fondées et justifiées, le manque d’argent est probant. Depuis l’élection du président brésilien, elles ont perdu les subventions publiques accordées par le Brésil.

A cela s’ajoute également la perte des financements étrangers qu’elles touchaient jusque là. Depuis août 2019, la Norvège et l’Allemagne ont stoppé les versements de subventions destinées à la protection de l’Amazonie. Cette décision a été prise à la suite de la suspension du conseil d’administration et le comité technique du Fonds pour l’Amazonie, selon le ministre de l’Environnement et du Climat, Ola Elvestuen. L’arrêt de ces subventions est un drame pour les ONG, la Norvège ayant versé un total de 828 millions d’euros au Fond de la préservation de la forêt amazonienne depuis 2008.

Brésil/Inde, même combat

Si Jair Bolsonaro a décidé de s’attaquer au porte-monnaie des ONG, d’autres ont décidé de réduire le pouvoir qu’elles ont pu avoir. En Inde, alors que le pays était à l’arrêt à cause de la crise sanitaire, le premier ministre Narendra Modi a mis en place plusieurs mesures pour faciliter la relance économique, quitte à sacrifier la lutte écologique. A cause des restrictions de déplacements liées aux mesures de lutte contre la Covid-19, les ONG écologistes n’ont pas pu exercer leur contre-pouvoir. Ainsi, les autorisations requises pour les industriels ont été supprimées.

Si les normes ne sont pas respectées, les amendes prévues ne deviennent qu’une formalité, allant de 12€ à 60€ par jour. « Je peux démarrer un projet de barrage ou de centrale à charbon et être agréé plus tard » regrette Ritwick Dutta, avocat et président de l’ONG Life. Au même moment, la liste des domaines dispensés de consultation publique a été élargie au secteur pétrolier. Ainsi, les ONG écologistes sont réduites au silence par la loi.

En parallèle de ces mesures écocides, des attaques frontales ont été menées par le gouvernement indien. En juillet, trois ONG ont vu leur site désactivé par le gouvernement, alors qu’elles s’opposaient au projet de loi. Quelques jours plus tard, l’ONG Internet Freedom Foundation apprenait que le gouvernement l’accusait de diffuser des informations contraires à la loi, dont certaines seraient terroristes. Face à la polémique, le gouvernement a retiré sa plainte quelques jours plus tard.

Cet acharnement envers les ONG n’est pas récent en Inde. En 2014, alors que Greenpeace et Amnesty International avaient mené une action contre la construction d’une centrale nucléaire dans le pays, une note secrète publiée par plusieurs journaux, accuse les deux ONG d’aller à l’encontre du développement économique du pays. En réaction, le gouvernement de Modi a bloqué les financements étrangers de Greenpeace et de 1 300 autres ONG. Face à cette décision, la justice a ordonné le dégel des comptes de l’ONG en 2015, estimant que cette décision était illégale. Pour autant, elle met en exergue une claire volonté de Narendra Modi et de son gouvernement de réduire l’impact que ces associations, voir de provoquer leur fermeture.

Lorsque l’écologie rencontre le crime

Alors qu’elles subissent ces pressions, les ONG sont aujourd’hui la cible de multiples violences. Selon l’ONG britannique Global Witness, 212 protecteurs de l’environnement ont été tués en 2019, alors que le précédent record était de 207 tués en 2017. Face à cela, l’ONG Reporter Sans Frontières estime qu’en 10 ans, au moins 16 journalistes ont été tués pour avoir enquêté sur des sujets liés à l’environnement. Ce chiffre pourrait être revu à la hausse, le comité pour la protection des journalistes enquête toujours sur plusieurs décès suspects. L’ONG estime que :

« En moyenne, près de deux journalistes sont assassinés tous les ans pour avoir enquêté sur la déforestation, l’extraction minière illégale, l’accaparement des terres ou plus spécifiquement sur la pollution, les conséquences environnementales d’activités industrielles ou de projets de construction d’infrastructures majeures »

En mars 2020, le collectif Forbidden Stories, en collaboration avec une trentaine de journaux, dont Le Monde, Radio France et The Guardian, publiait les résultats d’une enquête de huit mois sur le secteur minier et ses dérives criminelles. Elle s’est penchée plus particulièrement sur trois cas, au Guatemala, en Inde et en Tanzanie. Cette enquête a mis e lumière le les pratiques criminelles qu’utilisait des groupes miniers ou des responsables politiques, pour réduire au silence des journalistes ou des militants.

En 2015, le journaliste indien Jagendra Singh était aspergé de pétrole puis incendié pour avoir enquêté sur les liens entre Rammurti Verma, un homme politique indien, et des sociétés illégales d’extraction de sable. En 2017 au Guatemala, Carlos Maaz était tué par les forces de l’ordre alors qu’il manifestait contre la pollution causé par l’extraction d’une mine de nickel, exploité par le groupe russo-suisse Solway. Les journalistes ayant enquêté sur cette mort ont été attaqués en justice.

Cette enquête révèle la relation toxique entre les pollueurs et les administrations gouvernementales. Sous prétexte d’un développement économique crée par ces sociétés, l’écologie et la protection de l’environnement sont mises de côté, quitte à laisser des corps sans vie sur le chemin.

A lire, les trois enquêtes de Forbidden Stories :