Alors que le site de la centrale nucléaire de Fukushima est encore hautement radioactif, le gouvernement japonais projette de jeter les eaux contaminées dans l’Océan Pacifique en 2022. Outre le désastre écologique que cela pourrait causer, c’est toute la filière agricole qui est en proie à l’incertitude.
Neuf ans après la catastrophe de Fukushima, il s’agit cette fois d’un séisme écologique qui pourrait s’abattre. Et pour cause, le gouvernement nippon prévoit de rejeter dans l’océan Pacifique, en 2022, les eaux issues de la centrale nucléaire. Eaux lourdement radioactives et qui causeraient des dommages sur la faune, la flore, mais aussi sur les acteurs locaux et la santé des habitants… Un rapport de l’ONG Greenpeace, publié en 2019, alertait déjà sur les risques :
« Les infiltrations d’eau […] présentent un danger majeur, un risque de contamination des eaux souterraines et de surface. Les riverains sont également menacés par le radium 226 et d’autres substances dangereuses, telles que l’arsenic, dans leur approvisionnement en eau potable et dans le poisson pêché dans la région. »
Greenpeace, rapport sur les déchets nucléaires dans le monde, janvier 2019
Le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 atteint le nord du Japon et entraîne la destruction de trois des six réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima. Même si les équipes ont anticipé les risques du choc, les cœurs sont entrés en fusion comme ce fut le cas à Tchernobyl (Ukraine). Désormais, les autorités locales doivent agir et trouver des solutions afin de nettoyer la zone. Mais à l’annonce, fin 2019, des prochaines étapes du démantèlement de la centrale, le gouvernement avait d’ores et déjà renoncé à plusieurs axes majeurs.
L’équivalent de 366 piscines olympiques
Parmi eux, les forêts alentour ne seront jamais nettoyées. Aussi, plus d’un million de m3 d’eau sera rejeté dans le Pacifique, soit 366 piscines olympiques. Ces eaux proviennent des nappes souterraines et des précipitations. Pourquoi s’en débarrasser ? Parce que les capacités maximum de stockage arrivent à saturation selon le gouvernement nippon.
Composées de tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène, les eaux demeurent contaminées une dizaine d’années selon les experts. Mais ce qui inquiète particulièrement, c’est le sort qui est réservé à cette quantité d’eau. Quatre scénarios s’offrent aux autorités locales :
- Le rejet dans l’atmosphère de ces eaux radioactives sous la forme de vapeur d’eau. Option rejetée en raison des conditions météorologiques instables.
- L’enfouissement des stocks d’eau. Rejeté pour raisons techniques.
- La séparation des atomes d’oxygène et d’hydrogène. Possibilité trop coûteuse.
- Enfin, l’évacuation des eaux dans le Pacifique. Une alternative validée.
Pêcheurs et agriculteurs sur les nerfs
Et les principales victimes du gouvernement japonais sont les agriculteurs. Alors que ce sont plus de 9 000 km² qui ont été décontaminés du césium – un déchet radioactif -, la propagation des eaux radioactives risque de cristalliser les craintes des consommateurs. En effet, déjà avant le projet, la Corée du Sud, Singapour, la Chine et les États-Unis interdisaient toute importation alimentaire en provenance de Fukushima.
« Pour nous, c’est un quatrième drame qui vient s’ajouter au tremblement de terre, au tsunami et à l’accident nucléaire, pointe Yasunori Oshima, haut fonctionnaire de la préfecture de Fukushima aux Échos. Nous avons retrouvé des niveaux de production agricole proches de ceux d’avant 2011, mais plusieurs prix sont toujours très en dessous de ce qu’ils étaient avant. »
Les pêcheurs sont eux aussi directement impactés. Les eaux de Fukushima contiennent non seulement du tritium, mais aussi de l’uranium, dont la fission des atomes permet la production d’électricité dans les centrales nucléaires. Autant de particules qui se concentrent dans le poisson et rend sa consommation dangereuse prévient Greenpeace.
Par ailleurs, comme l’affirme l’ONG dans son rapport, l’eau potable peut être contaminée et, de ce fait, infectée la population locale. Mais si les eaux radioactives sont bel et bien rejetées dans l’océan Pacifique, c’est à terme un plus large spectre de la population qui pourrait être touchée. Comme une bouteille à la mer…