French Arms : Les ventes d’armes du pays des Lumières

Lundi, le média d'investigation Disclose a révélé l'existence d'une note classée "confidentiel défense". Alors que le Parlement souhaite installer un contrôle de l’exportation d’armes, le document révèle la manière dont l’exécutif tente de bloquer la réforme.

Lundi, le média d’investigation Disclose a révélé l’existence d’une note classée « confidentiel défense ». Alors que le Parlement souhaite installer un contrôle de l’exportation d’armes, le document révèle la manière dont l’exécutif tente de bloquer la réforme.

Le gouvernement français se serait bien passé de cette révélation. Alors que la visite en grande pompe du Président autoritaire Egyptien Abdel Fattah al-Sissi passe mal auprès des défenseurs des droits humains, Disclose s’est procuré une note de quatre pages du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Le document révèle alors l’opposition du gouvernement au contrôle par le Parlement des ventes d’armes, réforme proposée par un rapport des députés Jacques Maire (La République en marche) et Michèle Tabarot (Les Républicains).

Le rapport des deux députés vise à mettre en place un contrôle plus démocratique et transparent, par la création d’une commission parlementaire chargée « du contrôle des exportations d’armement ». Cette commission pourrait alors intervenir dans la politique générale d’exportation d’armes de la France. Si elle devrait tout de même voir le jour, l’exécutif ne souhaite pas qu’elle ait accès aux détails des exportations, mais seulement aux rapports annuels, desquels les noms des bénéficiaires et l’utilisation finale des armes sont absents.

Le malaise français au Yémen

C’est pourtant le cœur du sujet. En 2019, la première enquête de Disclose, dans le cadre du projet French Arms, révélait l’utilisation de deux bateaux d’origine françaises dans le blocus mené par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis depuis 2015. L’embargo de l’ONU sur les armes à destinations des Houthis, un groupe rebelle opposant au pouvoir, avait été utilisé par ces deux pays pour bloquer également les transports de nourriture, provoquant une famine dans le pays.

Selon une note de la direction du renseignement militaire, les bateaux ne sont pas les seuls armes utilisés dans le conflit : des avions de combats Mirages, des hélicoptères de transports ou encore des véhicules blindés Leclerc ont été utilisés par l’Arabie Saoudite, contre le Yémen. Initialement vendus pour une utilisation défensive, ces armes se retrouvent au cœur des combats, où les civils sont également ciblés. Selon les chiffres de l’ONG américaine Acled, au moins 35 civils auraient perdu la vie entre mars 2016 et décembre 2018 dans des bombardements.

« À ma connaissance, les armes qui ont été vendues récemment ne sont pas utilisées contre les populations civiles »

Florence Parly au micro de Jean-Jacques Bourdin

Malgré ces accusations, la ministre de la défense Florence Parly défendait en 2018 la vente d’armes à l’Arabie Saoudite, coupable des bombardements. « À ma connaissance, les armes qui ont été vendues récemment ne sont pas utilisées contre les populations civiles » déclarait-elle en 2018 au micro de Jean-Jacques Bourdin sur BFM-TV. Les révélations sur l’utilisation des armes françaises au Yémen ont valu à trois journalistes du projet French Arms d’être convoqué par la DGSI, provoquant la colère de la profession.

Sahara Occidental, Cameroun et Libye

La situation au Yémen n’est pas un cas isolé. En septembre 2019, Disclose et le projet French Arms révèlent l’utilisation d’armes françaises dans au moins quatre autres conflits : au Sahara Occidental, au Cameroun , en Libye et en Papouasie. Alors que le Maroc déploie des Mirages F-1, les avions de combats Dassault, dans la région du Sahara Occidental, qu’il a annexé à 80%, les blindés de l’industriel Arquus servent au bataillon d’intervention rapide (B.I.R) du président camerounais Paul Biya. Envoyé pour combattre le groupe terroriste Boko Haram, ce bataillon est accusé de tortures et d’exécutions par plusieurs rapports de l’ONG Amnesty International, publiés en 2016 et en 2017. En Libye, les avions Rafales égyptiens servent de soutien aériens au maréchal Haftar dans les combats contre le gouvernement d’union nationale (GNA), formé sous l’égide de l’ONU. Ces Rafales ont été utilisés dans des raids aériens sur les villes de Derna et de Houn, où la mission ne s’est pas limitée à la lutte antiterroriste comme il était annoncé : un complexe administratif a notamment été touché à Houn le 29 mai 2017. Malgré ces bombardements, la France reste un soutien discret du maréchal Haftar, alors que la communauté internationale soutient le GNA de Fayez el-Sarraj.

Récemment, les ventes d’armes aux forces égyptiennes ont fait polémique, dans leur réel utilisation. Le rapport des députés Jacques Maire et Michèle Tabarot consacre une partie sur les pratiques militaire du régime égyptien, et pointe du doigt la double-utilisation de ces armes. Si elles sont vendues pour garantir la défense du pays, les députés mettent en lumière une utilisation civile de ce matériel : surveillance de l’Internet égyptien, répression de manifestations en 2013. La publication de ce rapport sur la transparence de la réelle utilisation des armes arrive donc au meilleur moment, alors que 35% du matériel militaire égyptien est vendu par la France.