Les manifestations ont secoué tout le pays et provoqué la démission du Président par intérim Manuel Merino (Ernesto Benavides/AFP)

En une semaine, le Pérou connait son troisième Président

Mardi, le député Francisco Sagasti a été désigné Président intérim par le parlement, après la démission de Manuel Merino sous la pression des manifestations. Cinq jours avant, M. Merino avait remplacé le Président Martin Vizcarra, destitué pour corruption. Retour sur une semaine de chaos au Pérou.

Mardi, le député Francisco Sagasti a été désigné Président intérim par le parlement, après la démission de Manuel Merino sous la pression des manifestations. Cinq jours avant, M. Merino avait remplacé le Président Martin Vizcarra, destitué pour corruption. Retour sur une semaine de chaos au Pérou.

Lundi 9 novembre : destitution du président Martin Vizcarra

Après un vote du Parlement péruvien, la destitution du Président Martin Vizcarra a été prononcée pour « incapacité morale », avec 105 votes pour, 19 contre et 4 abstentions. Accusé d’avoir reçu des pots-de-vin à hauteur de 600 000 $ en 2014, le Président Vizcarra était pourtant l’une des figures de la lutte anti-corruption, fléau majeur dans la politique du pays. Cette destitution intervient deux mois après une première tentative du Parlement, qui l’accusait d’avoir demandé à des témoins de mentir dans le cadre d’une enquête sur une potentielle corruption.

En juillet 2016, Martin Vizcarra devient le vice-président de Pedro Pablo Kuczynski. Deux ans plus tard, alors qu’il tient le poste d’ambassadeur du Pérou au Canada, son président, pris dans une affaire de corruption déjà, démissionne pour éviter la destitution. En tant que Vice-Président, il quitte son poste d’ambassadeur et prend le poste de Président pour le reste du mandat. Au pouvoir, il soutient des réformes sur le financement des campagnes électorales, pour lutter notamment contre … la corruption. Son mandat s’est terminé lundi, pour les mêmes raisons que son prédécesseur. Martin Vizcarra s’est toujours défendu d’avoir reçu des pots-de-vin, niant en bloc toutes les accusations. Son Vice-Président Manuel Merino lui succède.

Manuel Merino succède à Martin Vizcarra après sa destitution (AFP)

Mardi 10 novembre : Manuel Merino est désigné Président par intérim

Le nouveau Président Manuel Merino accède à la tête du pouvoir. En parallèle, des manifestations naissent un peu partout dans le pays, pour dénoncer cette destitution, jugée anticonstitutionnelle. L’ex-Président Martin Vizcarra a lui-même demandé à la population de se mobiliser pacifiquement contre sa destitution. Il en a profité pour remettre en question la légitimité du nouveau président : « La légalité est en question et la légitimité, que donne le peuple, nous la voyons dans la rue » a-t-il déclaré.

Samedi 14 novembre : Deux personnes trouvent la mort lors de manifestations à Lima

Deux manifestants sont décédés lors des manifestations de Lima, le 14 novembre (ERNESTO BENAVIDES/AFP)

Alors que la population redescend dans la rue le samedi, les forces de l’ordre répriment violement les manifestations. Celles de Lima, qui rassemblaient plusieurs milliers de péruviens, ont été marquées par une utilisation démesurée de la violence par les forces de l’ordre. La veille, le rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, Michael Forst, avait déjà exprimé son inquiétude sur twitter : « Je suis inquiet des informations que je reçois du Pérou« . Ces violences ont été immortalisées par le photojournaliste de l’AFP Ernesto Benavides.

Deux manifestants sont décédés lors des manifestations de Lima, le 14 novembre (ERNESTO BENAVIDES/AFP)

Sur ses clichés, on peut apercevoir les scènes de chaos dans les rues de la capitale péruvienne. Entre les nuages de gaz lacrymogènes, les manifestants affrontent les forces de l’ordre tant bien que mal. Une centaine de blessés ont été comptés, deux manifestants ont trouvé la mort et cinq ont disparu. Cette répression a provoqué la démission de près de dix ministres le soir même.

Les manifestations ont été organisées en soutien à Martin Vizcarra, très populaire dans le pays (ERNESTO BENAVIDES/AFP)

Dimanche 15 novembre : Manuel Merino démissionne de son poste de Président par intérim

Dès le lendemain des manifestations de Lima, le nouveau Président du Pérou Manuel Mérino annonce sa démission. Elle avait été demandée la veille par plusieurs élus, dont certains du même parti que le Président, et par le chef du Congrès, Luis Valdez. Manuel Merino n’est resté au pouvoir que cinq jours.

Après la démission du Président, le parlement s’est réuni le soir même pour désigner un nouveau Président du Congrès, qui deviendrait de droit le nouveau Président du pays jusqu’à la fin du mandat en avril 2021. Pour calmer les manifestants et éviter de nouvelles accusations de coups d’état, le Parlement décide de désigner l’un des 19 parlementaires ayant voté contre la destitution de Martin Vizcarra. En absence de consensus, les élus remettent cette désignation au lendemain.

Lundi 16 novembre : Le député Fernando Sagasti est désigné Président par intérim par le Parlement

Le lendemain de l’échec du parlement, le député Fernando Sagasti est finalement désigné Président par intérim. Il décide de nommer Mirtha Vasquez, défenseuse des droits humains, au poste de Vice-Présidente. Cette nomination est tout un symbole, deux jours après la mort des deux manifestants. Le même jour, la procureure générale Zoraida Avalos a ouvert une enquête préliminaire contre Manuel Merino, son premier ministre et son ministre de l’intérieur, pour abus d’autorité, homicide involontaire et disparition forcée de personnes. Le Tribunal Constitutionnel ne s’est pas encore exprimé sur la légalité de la destitution de Martin Vizcarra.

Depuis 2016, le Pérou a connu un total de cinq Président, initialement élus pour un mandat de cinq ans non renouvelable. Cette valse présidentielle met en exergue l’instabilité politique que connait le Pérou depuis plusieurs années. Cette crise politique est venue s’ajouter à la crise sanitaire que le pays n’arrive pas à gérer : le nombre de morts liés au covid-19 est estimé à 35 000, soit 1093 morts par million d’habitants. En comparaison, la France, l’un des pays les plus touchés d’Europe, compte 686 morts par million d’habitants.