Crédit :Minasse Wondimu Hailu / AFP

Abiy Ahmed, Prix Nobel de la paix attendu au tournant

Dimanche, le premier ministre éthiopien Abiy Ahmed a donné un ultimatum de 72h aux dirigeants de la région du Tigré, accusés de déstabiliser le gouvernement fédéral. Les attentes sont nombreuses derrière le Premier Ministre éthiopien, Prix Nobel de la Paix en 2019 pour ses actions pour la paix entre l'Ethiopie et l'Erythrée.

Alors que le conflit s’intensifie entre le gouvernement éthiopien et les dirigeants de la région du Tigré, les attentes sont nombreuses derrière le Premier Ministre éthiopien, Prix Nobel de la Paix en 2019 pour la paix entre l’Ethiopie et l’Erythrée.

Un an après avoir reçu son prix Nobel de la paix, Abiy Ahmed est à nouveau confronté à un conflit armé. Depuis début novembre, les tensions s’intensifient entre le gouvernement fédéral et la région du Tigré, au nord du pays. Réfugiés dans la région du Tigré après avoir été écartés du pouvoir par l’actuel premier ministre, les responsables du Front populaire de libération du Tigré (FPLT) défient le gouvernement fédéral. Ce dernier les accuse d’avoir attaqué deux bases militaires éthiopiennes le 4 novembre dernier. Face à ce défi, Abiy Ahmed tente de pacifier une situation explosive comme il a pu le faire en 2018. Dimanche, un ultimatum de 72h a été donné aux dirigeants dissidents avant un assaut de l’armée éthiopienne.

« La guerre est l’incarnation de l’enfer »

Issu d’une famille multiculturelle, fils d’un musulman oromo et d’une chrétienne amhara, Abiy Ahmed grandit dans un milieu pauvre. En 1990, alors que le pays est en pleine guerre civile, il rejoint la lutte contre le régime militaire en place. A la chute de République démocratique populaire d’Éthiopie, il rejoint l’armée éthiopienne et atteint le grade de général. En 1995 au Rwanda, il fait parti des forces armées de l’ONU qui interviennent. Formé aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne. Il obtient également un doctorat en paix et sécurité à l’Université d’Addis-Abeba.

Sa formation militaire et les différentes guerres auxquelles il participe le marquent profondément. En 2019, lors de la réception de son prix Nobel de la paix, il déclare : « La guerre est l’incarnation de l’enfer pour toutes les personnes impliquées« . Son expérience de la guerre le forcera à mettre fin à celle qui opposait l’Ethiopie et l’Erythrée à son arrivée au pouvoir.

Discours d’Abiy Ahmed lors de la réception de son prix Nobel de la Paix le 10 décembre 2019

Une élection porteuse d’espoir

En 2018, après avoir été élu à la tête de l’Organisation Démocratie des peuples oromo (OPDO) qu’il avait rejoint à la fin des années 80, il prend démocratiquement la tête de la coalition au pouvoir, le Front démocratique révolutionnaire des peuples éthiopiens (FDRPE). Tous les sièges du parlement étant occupés par cette coalition, sa nomination au poste de Premier Ministre n’est plus qu’une formalité. Il devient alors le premier chef du gouvernement oromo, communauté pourtant majoritaire dans le pays, depuis la chute du régime communiste au début des années 90. Polyglotte et issu d’une famille multiculturelle, son profil est un signe d’espoir dans un pays divisé entre plusieurs communautés différentes.

Dès sa nomination, Abiy Ahmed cherche à renouer un lien diplomatique avec l’Erythrée, ancienne province éthiopienne. En conflit depuis près de 20 ans, ce rapprochement est historique pour les deux pays. Le 8 juillet 2018, Abiy Ahmed rencontre le président Erythréen Isaias Afwerko à Asmara, capitale Erythréenne pour normaliser les relations entre les deux pays. Deux ans plus tard, les frontières entre les deux pays ne sont toujours pas ouvertes et l’Ethiopie n’a toujours pas accès aux ports Erythréens. Ce chemin vers la paix vaut à Abiy Ahmed le prix Nobel de la paix en 2019.

Un conflit ouvert au sein du pays

Son arrivée au pouvoir marque le départ de plusieurs représentants du Front de libération du peuple du Tigré (FLPT), qui dominent les institutions politiques du pays depuis une trentaine d’années. Accusés de corruption, ils y voient une discrimination envers les tigréens. En août, l’organisation d’élections régionales dans la région du Tigré, pourtant annulées à cause de la crise sanitaire, est vue comme une provocation par le gouvernement éthiopien. une succession d’accusations deux côtés provoquent une escalade de violence. Depuis plusieurs semaines, l’armée éthiopienne affronte le FLPT dans le nord du pays. Dimanche, dans un communiqué adressé aux dirigeants tigréen, Abiy Ahmed donnait 72h aux responsables de la région pour se rendre, avant un assaut militaire. Une position étonnante pour un prix Nobel de la paix.

Dans ces affrontements entre les deux armées, les premières victimes sont les civils de la région. Samedi, le chef de l’ONU Antonio Guterres a demandé à ce qu’un couloir humanitaire puisse être mis en place pour aider les populations prises au piège dans la région du Tigré.

Des femmes éthiopiennes ayant fui le conflit, dans le village de Hamdayet à la frontière entre le Soudan et l’Éthiopie. (Mohamed Nureldin Abdallah/Reuters)