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Paris Games Week : une féminisation qui progresse dans l’univers des jeux vidéo

Avec Women in Games, la place des femmes dans l’industrie du jeu vidéo est au programme de la Paris Games Week. L’association milite pour une meilleure représentation des personnages féminins dans les jeux et davantage de femmes aux manettes. Mais ces ambitions se heurtent à un certain nombre de résistances.
Clara a endossé le costume de Harpy Eda, un personnage de dessin animé Luz à Osville.

Clémence Kerdaffrec

« Est-ce que vous voulez faire tourner la roue de l’inclusivité ? », interpelle à tout va Audrey, 27 ans, bénévole de l’association Women in Games (Des femmes dans les jeux). Plantée devant son stand, une roue colorée fait de l’œil aux passants. Les plus curieux s’approchent et penchent la tête pour déchiffrer les inscriptions qui ornent ses rayons. « Histoire des femmes dans la tech, Joueur.euses, Personnages, Streaming et eSport… », à chaque catégorie correspond une série de questions pour tester les connaissances des visiteurs sur la place des femmes dans l’industrie du jeu vidéo. L’objectif est de sensibiliser les joueurs et les acteurs du secteur aux problèmes d’inclusivité et de diversité qui touchent le secteur.

En 2023, l’industrie française du jeu vidéo ne comptait en effet que 24% de femmes et 5% de personnes non-binaires dans ses studios de développement. En 10 ans, ce nombre a plus que doublé, mais la France accuse un léger retard par rapport à ses voisins : à l’échelle mondiale, l’industrie du jeu vidéo emploie en moyenne 30% de femmes et 8% de personnes non-binaires (Statista, 2021). « Il y a encore des progrès à faire », souligne Audrey.

Arrêté dans sa déambulation par la bénévole, Neyl, 21 ans, se prête de bonne grâce au jeu de la roue. L’étudiant en programmation à l’école Creajeux de Nîmes aimerait voir son milieu de travail changer. « Dans les studios, c’est catastrophique, constate-t-il. La parité est loin d’être respectée et, évidemment, ça se répercute sur les jeux. On a des créations qui puent la masculinité des vieux comics ».  

Clara, 15 ans, partage ce constat. L’adolescente qui a endossé le costume de Harpy Eda, un personnage du dessin animé Luz à Osville, regrette que les femmes soient « très souvent dénudées » dans les jeux vidéo. Ainsi, les héroïnes de League of Legends, jeu mis à l’honneur par la PGW, sont presque toujours représentées « ventre à l’air, avec juste un bandeau ou même en culotte ». D’un geste, elle désigne le col roulé de sa robe moulante : « Moi je fais attention à ne pas trop me sexualiser ».

48% des joueurs sont des joueuses

Si les représentations féminines dans les jeux vidéo peuvent lui déplaire ou l’agacer, cela ne l’empêche pas pour autant de jouer.  « Je joue aussi beaucoup d’hommes », précise-t-elle. Par goût, ou faute de choix séduisants. En 2022, dans les 152 jeux les plus populaires, 61% des personnages jouables étaient des hommes. Plus présents, ils avaient également plus de dialogues que leurs homologues féminins.

Ces problèmes de représentation n’empêchent toutefois pas les femmes de jouer. Elles constituent même 48% des utilisateurs réguliers de jeux vidéo (ceux qui jouent plus d’une fois par semaine).

Elles doivent cependant parfois adapter leurs pratiques pour s’intégrer dans un univers fait par et pour des hommes. Gaëlle, 29 ans, est une adepte de la dissimulation. Grande fan du jeu de tir multijoueur Valorant (Riot Games), elle a pris l’habitude d’incarner des personnages masculins et de garder son micro coupé pour s’éviter les remarques sexistes qui ne manquent pas de fuser lorsqu’elle laisse entendre sa voix. « Ta place est à la cuisine… T’es une fille donc t’es forcément nulle… C’est ce qu’on me dit », raconte-t-elle désabusée. Dans ce jeu qui attire « trois quarts d’hommes », elle est régulièrement victime de discrimination.

Des évolutions qui suscitent des résistances

Statistiquement, cela n’a rien d’étonnant. Selon une enquête de l’IFOP (2024), 60% des hommes jouant aux jeux vidéo adhèrent à au moins un stéréotype sexiste et le nombre grimpe à 65% pour les « assez gameur » et les « très gameur ».

Certains d’entre eux ne supportent pas les changements qui commencent à s’observer dans l’industrie. Jouer un personnage féminin dans Assassin’s Creed Syndicate (Ubisoft) ? Zelda dans The Legend of Zelda : Breath of the Wild (Nintendo) ? Pas question ! En réaction, des communautés de joueurs masculinistes qui sévissent sur les réseaux sociaux mènent de véritables campagnes de harcèlement contre les développeurs et les développeuses dont les créations sont jugées trop « woke ». Les mêmes probablement qui attaquent en meutes les joueuses professionnelles et les steameuses. Contre ce fléau, Neyl en est persuadé, il n’y a pas mille choses à faire : « Pour que les joueurs changent, il faut d’abord que les jeux changent ».

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