Bastien Loeuillot
“Je ne pense pas que ce soit la volonté du gouvernement”. Tout sourire face aux micros des journalistes, Priscat Thevenot tâtonne. Quelques heures après que le Président ait donné “la faculté” au Premier ministre Michel Barnier “d’utiliser le 49.3”, lors du Conseil des ministres du mercredi 23 octobre, l’ancienne porte-parole du gouvernement, désormais députée Renaissance des Hauts-de-Seine, souhaite éviter le passage en force. Mais elle ne rejette pas entièrement son utilisation. “Le 49.3 est un outil démocratique à disposition des politiques en présence, ajoute l’élue, notamment dans un cas où il n’y a pas de majorité absolue à l’Assemblée nationale”.
Massivement utilisé par le gouvernement depuis 2022, le camp présidentiel n’ayant plus de majorité absolue au Parlement, l’utilisation du 49.3 est devenu le symbole de la difficulté de l’exécutif à travailler avec l’Assemblée nationale. Utilisé 23 fois par Elisabeth Borne, notamment pour la réforme des retraites, cet outil permet au gouvernement d’adopter des textes sans vote, en engageant sa responsabilité. Un dispositif vivement critiqué par l’opposition, notamment à gauche, où les parlementaires dénoncent un “déni démocratique”.
La menace de la motion de censure
“Quel scandale. Quelle violence contre les Français et la démocratie”, s’est insurgée Clémence Guetté sur X, (ex-Twitter), après que Maud Bregeon ait confirmé la possibilité qu’avait le Premier ministre d’utiliser le 49.3. Malgré cette vive réaction, l’annonce n’a, en réalité, pas surpris les députés de gauche. “Il n’y a pas de majorité aujourd’hui”, constate l’Insoumis David Guiraud. D’autant qu’une utilisation de cet article donnerait une nouvelle possibilité à la France insoumise (LFI) de renverser le gouvernement grâce à une motion de censure. “On va essayer de faire tomber le gouvernement et le texte”, lance Antoine Léaument (LFI) avant de rejoindre l’hémicycle.
Si la gauche semble en accord sur le dépôt et le vote d’une nouvelle motion de censure, moins d’un mois après le rejet de la dernière, les autres groupes ne semblent pas aussi clairs sur le sujet. “Si le texte et le budget sont conformes aux lignes rouges que l’on a fixées, on ne va censurer le gouvernement”, annonce le député du Rassemblement national (RN) Thomas Ménagé. Une position conforme à celle que le parti d’extrême-droite tient depuis la nomination du nouveau gouvernement. Officiellement dans l’opposition, le camp de Jordan Bardella permet au gouvernement de rester en place en refusant de voter les motions de censure, tant que les décisions prises ne vont pas à l’encontre de la ligne du parti. Une position que tient également Eric Ciotti et son groupe de l’Union des droites pour la République, qui critique tout de même un potentiel passage en force.
Accélérer les débats
Si les proches du Président de la République affirment qu’ils souhaitent préserver le débat à l’Assemblée nationale, le discours change chez les Républicains (LR), dont est issu le Premier ministre. Interrogé par France Info mercredi soir, Philippe Juvin (LR) s’est vivement exprimé en faveur de l’utilisation du 49.3. “Je pense qu’il faut accélérer les choses, a lancé le député des Hauts-de-Seine. Chacun s’est exprimé, maintenant c’est au premier ministre de faire preuve d’autorité et de siffler la fin de la récré”.
🔴 Usage du 49.3 ➡️ "Je pense qu’il faut accélérer les choses. Chacun s’est exprimé, maintenant, c’est au premier ministre de faire preuve d’autorité et de siffler la fin de la récré”, déclare Philippe Juvin, député LR des Hauts-de-Seine #franceinfosoir pic.twitter.com/UK4aCq7JNt
— franceinfo (@franceinfo) October 23, 2024
Alors que les débats se poursuivent dans l’Hémicycle ce jeudi, l’hypothèse d’un passage en force pourrait prendre de l’épaisseur dans les prochains jours si aucune majorité ne se dégage. Même si le Premier ministre a l’autorisation du Président de sortir la carte 49.3, la porte-parole du gouvernement a précisé que “l’objectif du Premier ministre” est de “laisser toute sa place au débat”. Une manière de mettre une pression sur les parlementaires et d’accélérer le vote du budget.